La proposition de pacte Finance – Climat (https://www.pacte-climat.net/fr/) de P. Larrouturou a été portée sur les fonts baptismaux cette semaine à Paris en présence d’un aréopage de politiques, de banquiers, d’entrepreneurs, de syndicalistes et d’écologistes, particulièrement d’écologistes belges. D’heureux auspices pour un beau bébé accueilli dans une belle unanimité !
Que prévoit cette proposition de pacte ?
Il s’agit de créer une Banque européenne d’investissement qui aurait pour but de financer les investissements de la transition écologique, particulièrement les investissements publics et les aides à l’investissement que la population devra consentir. Elle devrait accorder des prêts à taux zéro. Le capital de cette Banque serait public et elle aurait des capacités d’emprunt dont on imagine qu’elles seraient exerçables auprès de la Banque centrale européenne pour garantir le taux de 0%. Il s’agirait donc pour la BCE d’exercer son pouvoir de création monétaire comme elle l’a fait pour sauver les banques commerciales de la débâcle de la crise financière de 2008.
L’immense mérite de ce plan est qu’il permet de mobiliser rapidement les sommes gigantesques indispensables pour relever le défi du financement de la transition écologique. C’est pour cette raison qu’il doit être approuvé mais en y réfléchissant, je me disais qu’il serait utile de l’accompagner de règles de gouvernance complémentaires que je voudrais mettre en débat.
Mes propositions de règles de gouvernance complémentaires
- Revoir les critères d’endettement du traité de Maastricht : il s’agit d’un plan qui implique de l’endettement complémentaire des Etats déjà passablement endettés alors qu’ils outrepassent déjà les critères de Maastricht en matière de dette et/ou de déficit. S’il est envisagé une déconsolidation budgétaire via la création d’un Partenariat public-privé financier où l’État sera minoritaire, les critères de financement des projets risquent de n’être que financiers et seuls les projets les plus rentables recevront des financements. L’alternative est donc de revoir les critères de Maastricht d’une façon ou d’une autre en permettant la déconsolidation des investissements de transition.
- Garantir le financement à long terme à taux zéro : Jusqu’à présent, dans notre système économique, l’endettement a toujours servi la croissance (économique ou financière) et le mode de financement par prêts correspond à une logique d’économie de croissance sauf si … les prêts sont à très long terme et si le taux d’intérêt est très bas (à 0%). C’est la seule façon d’assurer la durabilité du financement mais, inconvénient majeur, on n’en assure plus la rentabilité financière.
- Diminuer graduellement les importations et l’exploitation des ressources non renouvelables. Sans garde-fous, le plan risque d’entraîner un spectaculaire effet rebond par lequel les économies d’argent gagnées par les économies d’énergie seront reconverties en nouvelles dépenses impliquant … de nouvelles consommations énergétiques. Si le plan est très efficace, si on isole bien les immeubles, si on améliore bien les transports, etc. on pourrait même arriver à une situation d’explosion de la consommation énergétique ! Une consommation très efficace mais très abondante. Un effet rebond macroéconomique qui est l’inverse du but recherché ! Pour empêcher cet effet rebond, il faut imposer une diminution graduelle des importations et des extractions des énergies fossiles parallèle à l’avancement des investissements. Avantage : il est plus facile de contrôler les extractions et les importations d’énergie que de contrôler les émissions de CO2. Inconvénient : Le caractère réglementaire et contraignant de cette proposition en limite l’acceptabilité par la population. Pourtant, il me semble que ce soit la SEULE MESURE d’encadrement efficace. Mais elle pose une grave question sociétale « Comment allouer les volumes d’énergie et de matière ? ». Qui peut en bénéficier et à quel prix ? Il existe plein de méthodes de répartition, des méthodes incitatives, distributives, redistributives, compétitives et mixtes qui parviennent à intégrer les dimensions d’équité et d’efficacité. Elles doivent faire l’objet d’un débat démocratique.
- Annuler une partie de la dette publique pour donner de la liberté budgétaire aux États (voir ma proposition https://andrepeters.net/2019/02/09/et-si-la-bce-financait-la-transition-ecologique/ )
- Instaurer une taxe sur les extractions d’énergie fossile et de matière première non renouvelable de manière à favoriser les énergies et les matériaux renouvelables. Afin de garantir une certaine équité intergénérationnelle, le fruit de cette taxe devrait être versé à un fonds profitant également aux générations futures.
- Examiner l’opportunité d’instaurer une détaxe d’égalisation pour les exportations de marchandises contenant des matières premières et de l’énergie non renouvelable. Ceci pour rester compétitifs au niveau mondial.
Qu’en pensez-vous ?